La belle histoire

 

Qu’on le veuille ou non les seuls témoins de l'histoire du premier millénaire sont ces églises chrétiennes (aujourd'hui disparues) qui vont de l’édit de Constantin de Milan en 313 après J-C jusqu'à la reforme du pape Grégoire VII en 1076 et qui ont marqué notre civilisation avec deux exigences bien différentes.

 

D’abord les premières églises furent dédiées aux évêques qui étaient les seuls à y dispenser le baptême uniquement destiné aux adultes, et comme JESUS dans le JOUDAIN les candidats étaient plongés dans un bassin plein d'eau et on leur appuyait sur la tête pour être sûr de leur immersion totale. Au IVème siècle la demande fut telle que ces évêques durent déléguer à de nouveaux prêtres et à de nouvelles églises le rite qui devait sauver les hommes de l'ignorance, alors tout l'occident va devenir chrétien.             

 

A la même époque de grands propriétaires terriens, souvent anciens vétérans des légions romaines, appelés Patrons (d’où patronage) firent aussi construire pour leurs besoins religieux des sanctuaires privés à la gloire de Dieu qui leur servaient de lieu de prière et aussi de tombeau pour leur sépulture. 

 

Ces maîtres (potens) régissaient des territoires immenses de plusieurs milliers d'hectares appelés VILLAE (voir VILLADEIX) avec un personnel agricole très religieux qui leur était soumis et pour certains encore appelés esclaves. Nous sommes au Vème siècle, c’est la fin de l’empire Romain. Ces VILLAE avaient la dimension d’un de nos cantons actuels mais étaient peu peuplées et faisaient en somme fonction de paroisse. Leurs sanctuaires ou églises étaient privés, donc non confirmés par l'évêque qui y refusait le baptême. Malgré cela, elles attiraient tous les croyants de la région, qui chacun en venant prier apportait son obole et remerciait le maître de l’accueillir dans sa chapelle.

 

Le but était double, permettre au puissant de rentrer dans ses frais et confirmer son pouvoir avec un bénéfice et en toute bonne conscience. La règle fut alors que ces fondateurs ou patrons devaient choisir un serf affranchi qu’ils désignaient comme le desservant de leur lieu de prière. Celui-ci en tant qu’homme de confiance et au dessus de la domesticité ordinaire pouvait célébrer une cérémonie religieuse (mais pas la messe) sans être confirmé par l’évêque. Il pouvait aussi être un bon père de famille dont ses enfants reprenaient son sacerdoce. Paul Thomas de la faculté de Rennes prétend qu’il s’occupait aussi des intérêts fonciers du domaine tout en conduisant la meute et en servant le vin à table. 

 

Certains furent mêmes invités à prendre en fief l’établissement religieux qu’ils desservaient et dont la rente allait encore au maître bien sûr. Tout était histoire de revenus et les églises comme le reste. 

 

Il faut comprendre qu'à cette époque la seule explication du monde ne pouvait être que divine : l'homme dans l'univers, la vie sur la terre, l'eau des fontaines (sacrées) et même les maladies semblaient venir d’en haut.

 

Il n’est donc pas étonnant que des grands personnages comme Clovis et beaucoup plus tard Charlemagne ont pu consolider leur pouvoir grâce à la religion, d'abord sur les pays conquis par eux et ensuite pour se garantir de leur fidélité. Charlemagne, en homme avisé et pour la bonne marche de son empire, avait mis en place dans chaque province (ou comitatus), des fonctionnaires qui deviendront chez nous ces fameux COMTES du PERIGORD chargés de rendre la justice, d'administrer les biens royaux et le fisc dont ils en retenaient le tiers ! Leur seule contrainte était de rendre compte à des Missi Dominici, envoyés du maître de l'état économique de leur région. Par la suite, comme on peut le penser ces personnages imbus d'eux-mêmes (profitant de la faiblesse des rois carolingiens qui étaient loin) et pour assurer à leur descendance et à leurs vassaux une position sociale et garder le pouvoir durent céder une partie de leur patrimoine. Ce fut la cause de leur perte car ces puissants seigneurs qui allaient du comte Widbod (795) à Archambault V en 1399 et d'où sortaient aussi les évêques de Périgueux durent composer avec le nouveau pouvoir CAPETIEN du deuxième millénaire. La donne avait changé et il ne leur restait à la fin que quatre seigneuries et une mosaïque de droits dispersés un peu partout. On peut penser sans risque que les bénéficiaires furent les ancêtres de ces seigneurs qui deviendront les féodaux du XIIème siècle.

 

Dés la fin du premier millénaire, autour des papes et dans les conciles, on commença à s’émouvoir du fait que la messe était souvent dite par un serf non confirmé par l’évêque et qu’ainsi le bénéfice lui échappait en allant au Senior. Le pouvoir religieux chercha à reprendre la main en affirmant que le patron n'avait pas le droit de se mêler du spirituel, donc n’était pas légitime.   

 

Cependant, par diplomatie on lui accordait le droit honorifique de présenter son candidat (le Senior remet l’église au prêtre de son choix et l'évêque accepte le nouveau titulaire par son pouvoir diocésain).                                               

 

Le véritable tournant de cette histoire fut l’avènement du pape Grégoire VII, qui en 1076 publia un décret menaçant d'excommunication tous les laïques qui investiraient un clerc privé dans leur église ainsi que des prêtres qui seraient concubins ou mariés ou suspectés de faire un commerce pécuniaire.   

 

Les choses allèrent encore plus loin car ces possesseurs de biens petits ou grands se posèrent des questions sur l’origine de leur fortune. C’est le début de la féodalité et dans un monde très croyant, ces nouveaux riches ne pouvaient pas garantir à leur conscience la loyauté de leurs biens. Alors, la mode fut que chaque possédant devait faire un don à une église, à un évêque ou à une abbaye (donc à dieu) d'une partie de son patrimoine pour regagner les bonnes grâces du ciel. C’est là, la raison de l’église de Saint Martin des Combes ! 

 

Le XIIème siècle fut celui de la féodalité qui vit les puissants en face de cela se sentir vulnérables et devoir répondre à cette devise : un homme libre face à un homme libre. Alors, on pourrait penser que les rapports (de libre entreprise) entre les possesseurs de terres et leurs colons (tenanciers), qui n’étaient autre chose que des loueurs, auraient pu être plus humains, malheureusement ce ne fut pas le cas. 

 

La chose était d'autant plus facile à ces nouveaux seigneurs, devenus féodaux, que le roi leur permettait de prélever sur tout leur territoire (ou mouvance) une sorte d'impôt foncier (que les historiens ont du mal à expliquer) du nom de RENTE FONCIERE DIRECTE. Le système fonctionnait aussi dans l’autre sens car les futurs demandeurs devaient se présenter tête nue à la porte du seigneur (s'il voulait bien leur ouvrir) pour acheter (!) le droit de payer une rente en nature et en jurant sur la Bible pour assurer leur offre.

 

Tous les biens y étaient soumis et même ceux appartenant à des propriétaires qui étaient dans la zone d’influence (ressort) de la seigneurie. Les démographes affirment que vers l’an 1100, la population de l’Europe avait triplé en raison d'un réchauffement climatique … donc voilà la cause de tout ce chambardement. Comme la demande en terre était très forte, les loueurs pouvaient choisir les demandeurs les plus efficaces et qui leur convenaient le mieux. C'est ce que les historiens appellent le GRAND DEFRICHEMENT. Les seigneurs sont en place dans leurs châteaux forts, les tenanciers recherchent pour nourrir leur famille des terres qu'ils cultivent à partir des hameaux (construits le long des chemins de crêtes souvent au premier millénaire) et dont l’agencement des parcelles montre encore la progression de l'occupation humaine. Tout ce qui s’est construit à cette époque est encore en place de nos jours, les châteaux ainsi que les hameaux avec leurs cluzeaux (pour se protéger), les moulins et surtout ces fameuses églises du XIIème siècle qu’un poète a dit avoir couvert le pays d’un blanc manteau. 

 

A bientôt avec nous pour suivre cette belle histoire …